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Peut-on être sanctionné pour ne pas avoir correctement porté son masque?

Peut-on être sanctionné pour ne pas avoir correctement porté son masque?

Des salariés faisant de plus en plus l’objet de sanctions disciplinaires eu égard au non-respect du protocole sanitaire mis en place dans leurs entreprises, voilà la question sur laquelle nous sommes énormément sollicités depuis la nouvelle obligation de port du masque en entreprise datant du 1er septembre 2020.

 

Peut-on valablement être sanctionné pour ne pas avoir correctement porté son masque, ou ne pas l’avoir porté du tout ?

 

La réponse est évidemment oui, mais attention à bien respecter les conditions encadrant la règlementation dans l’entreprise. Revenons sur la procédure de sanction pouvant s’attacher à ce contexte sanitaire fort particulier.

 

L’employeur doit nécessairement informer les salariés de la règlementation en vigueur dans l’entreprise :

 

Avant d’infliger une quelconque sanction, rappelons qu’au titre de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur est tenu par une obligation de sécurité (physique et mentale) envers son personnel. A défaut de quoi, l’entreprise pourrait engager sa responsabilité pénale.

Aussi, il incombe à chaque salarié, comme le prévoit l’article L.4122-1 du même code, de prendre à la fois soin de sa propre santé et sécurité, mais aussi de celles des personnes concernées par ses actes ou omissions au travail compte tenu des instructions délivrées par l’employeur et de la règlementation de l’entreprise.

De ce fait, l’employeur devra être capable de démontrer que l’entreprise est en conformité avec les mesures sanitaires et d’hygiène à mettre en œuvre afin d’assurer la sécurité du personnel de l’entreprise : mise en place du matériel adéquat, mise à disposition des masques respectant la norme AFNOR S76-001 (masques recouvrant le nez et la bouche), gel hydro-alcoolique etc, réduction de personnel afin de faire respecter la distanciation physique etc.

 

En pratique : la signalétique, la multiplication d’affiches rappelant les règles à suivre, la transmission des notes de services attachées au règlement intérieur des entreprises d’au moins 50 salariés.

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L’employeur a un pouvoir de sanction lui permettant de sanctionner tout manquement à la règlementation de l’entreprise :

 

Lorsque le salarié ne respecte pas la règlementation interne à l’entreprise (notes de service, règlement intérieur, instructions de l’employeur…) il commet une faute pouvant être sanctionnée par l’employeur.

En effet, c’est l’article L.1331-1 du code du travail qui nous le rappelle: « Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. »

Dans le cas de la crise sanitaire actuelle, des obligations émanant du gouvernement mais aussi du législateur ont été communiquées aux entreprises qui se doivent de les appliquer.

Ainsi, en cas de non-respect de ces normes sanitaires, comme le mauvais ou non-port du masque dans l’entreprise, l’employeur pourra actionner son pouvoir de sanction.

 

En pratique, une certaine pédagogie est à favoriser : des rappels à l’ordre qui ne sont pas des sanctions disciplinaires, puis des avertissements écrits, des blâmes écrits.

Si le manquement perdure, l’employeur sera tout à fait en droit d’infliger des sanctions dites « lourdes », à savoir : une mise à pied disciplinaire ou encore un licenciement pour faute grave.

 

Kate SOLIMAN

Votre chauffeur Uber est-il un salarié ou demeure-t-il indépendant?

Votre chauffeur Uber est-il un salarié ou demeure-t-il indépendant?

C’est la question qui terrifie les plateformes telles que UBER, BOLT, CHAUFFEUR PRIVE etc depuis plusieurs années déjà.

Voici le tout dernier éclairage des hauts magistrats à la Cour de cassation, mettant un terme aux débats.

(Cass. Soc., 4 mars 2020, n°19-13.316)

 

D’abord, il faut comprendre ce que signifie être « salarié ».

Juridiquement, être salarié, c’est être « subordonné » à quelqu’un (un employeur).

Ce lien de subordination liant un travailleur à un employeur se décomposer en trois éléments cumulatifs :

Une personne va exécuter un travail donné, tout en étant placée sous l’autorité d’un employeur qui aura :

  • Le pouvoir de donner des instructions,
  • Le pouvoir d’en contrôler l’exécution,
  • Le pouvoir de sanctionner le non-respect des directives données.

Retenons également qu’il est de jurisprudence constante que constitue un indice de subordination le fait de travailler au sein d’un service organisé lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution de ce travail.

Ensuite, savoir ce qu’est un travailleur « indépendant »

Pour y répondre, il faut se poser la question de ce qu’est un travailleur indépendant. Ici encore, trois éléments cumulatifs sont à vérifier :

  • La possibilité de se constituer une clientèle propre,
  • La liberté de fixer ses tarifs,
  • La liberté de fixer les conditions d’exécution de la prestation de service.

Aujourd’hui, le schéma est tel qu’un chauffeur VTC est lié à une société utilisant une plate-forme numérique et une application afin de mettre en relation des clients et des chauffeurs qui exercent sous le statut de travailleur indépendant.

De l’indépendance au salariat, il n’y a qu’un pas.

Un « faux-contact » créant des étincelles entre les deux statuts: le VTC serait un salarié.

La réalité est toute autre selon les hauts magistrats, et démontre clairement un lien de subordination des chauffeurs VTC à ces plateformes notamment car :

  1. Le chauffeur intègre un service de prestation de transport dont l’activité est entièrement créée et organisée par cette société ne permettant pas au chauffeur de développer la moindre clientèle propre, ni de fixer ses tarifs ou encore les conditions d’exercice de sa prestation de transport.
  2. Le chauffeur est soumis à un itinéraire déterminé sur lequel il n’a aucun pouvoir de modification et pour lequel des modifications tarifaires sont automatiquement appliquées s’il ne le suit pas.
  3. La destination finale de la course n’est souvent pas connue préalablement par le chauffeur, cela induisant de fait l’impossibilité du chauffeur de choisir librement si la course lui convient ou non.
  4. La société détenant seule le contrôle de la plateforme, peut déconnecter de manière temporaire le chauffeur de l’application qu’elle gère dès lors que ce dernier refuse 3 courses, celui-ci pouvant perdre l’entier accès à son compte en cas de dépassement d’un taux d’annulation de commandes ou de signalements de son comportement par les utilisateurs.

La somme de ces points conduit logiquement les magistrats à déduire qu’il existe incontestablement l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres au chauffeur VTC, des directives, mais aussi de contrôler l’exécution de sa prestation et a fortiori de le sanctionner en cas de manquements.

Le statut de travailleur indépendant du chauffeur est donc entièrement fictif.

 

La relation de travail ne dépend jamais de la volonté exprimée par les parties !

En effet, cette décision n’est pas la première allant en ce sens, la Cour de cassation avait déjà rendu une décision similaire, s’agissant des travailleurs des plateformes notamment dans l’affaire TAKE EAT EASY.

(Cass. Soc., 28 novembre 2018, n°17-20.079)

N’oublions pas que selon une jurisprudence établie, l’existence même d’une relation de travail salariée ne dépend aucunement de la volonté que les parties auraient exprimée. Elle ne dépend pas non plus de la dénomination qu’elles auraient données à leur contrat.

Fort heureusement, pour éviter tout abus et toutes sortes de pression, seules les conditions réelles dans lesquelles sont exercées l’activité professionnelle déterminent l’existence, ou non, d’un lien de subordination.

Les plateformes se devront de sécuriser rapidement les conventions les liant aux chauffeurs indépendants si elles veulent éviter de se confronter à une multitude de contentieux.

L’ennui au travail peut engager la responsabilité de l’employeur.

L’ennui au travail peut engager la responsabilité de l’employeur.

La résiliation judiciaire du contrat pour défaut de fourniture de travail est possible!

 

Fléau récurrent dans notre « monde du travail » contemporain: avoir une fiche de poste exhaustive, et pourtant s’ennuyer au travail (connu aussi sous l’appellation anglophone « Bore-out »). La Cour de cassation est venue apporter un éclairage supplémentaire le 4 décembre dernier, sur la possibilité du salarié de demander la résiliation judiciaire de son contrat, pour manquement de l’employeur à son obligation de lui fournir du travail.

Que faire face à un employeur qui, malgré une embauche pour un poste et un travail précis, ne vous fourni aucunes tâches? Vous laissant ainsi des heures durant, vous ennuyer et « vaquer » quasi librement, malgré vous, à vos occupations personnelles durant vos heures de travail?

Rappelons d’ores et déjà, le principe originel attaché au contrat de travail. Ce dernier, une fois signé des deux parties, fixe pour l’employeur et le salarié des obligations respectives (article 1103 du Code civil), auxquelles ces derniers doivent se tenir. Il s’agit de la force obligatoire du contrat (article 1194 du Code civil).

Ajoutons à cela la règle édictée par la jurisprudence selon laquelle tout employeur a l’obligation de fournir le travail convenu au contrat de travail, à son salarié (Cass. soc., 3 mai 2012, n° 10-21.396).

Quels risques?

 

Vaquer à ses occupations personnelles aux temps et lieu de travail n’est pas sans risque. Gardons à l’esprit que les horaires de travail préalablement déterminés au contrat doivent également être respectés par le salarié et ce, quand bien même l’employeur, tenu par ses engagements, ne lui aurait pas fourni de travail.

En effet, un salarié se vouant à des activités personnelles durant son temps de travail se doit d’être vigilant. Il a droit de s’adonner à des activités et communications personnelles sur son temps de travail si cela est effectué de manière modérée et raisonnable. En cas d’abus (téléphoner, surfer sur internet, envoyer des mails personnels), l’employeur peut sanctionner le salarié, y compris par un licenciement pour faute grave. (Cour de cassation, chambre sociale, 26 février 2013, pourvoi n° 11-27372). Cela pourrait ainsi s’apparenter à une double sanction pour le salarié.

Quels moyens de recours?

 

L’inexécution de cette obligation de fourniture de travail par l’employeur permet au salarié d’engager sa responsabilité contractuelle. Il pourra aussi demander des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi. 

Deux modes de rupture aux torts exclusifs de l’employeur s’offrent également à lui: la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail et la résiliation judiciaire dudit contrat. Le Conseil des prud’hommes sera ainsi chargé d’établir la réalité des griefs opposés à l’employeur: sont-ils réels? Font-ils état d’une légèreté blâmable de sa part?

S’agissant de la résiliation judiciaire, les magistrats à la Cour de cassation sont venus préciser, qu’une Cour d’appel ne saurait débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. En l’espèce, elle constatait que l’employeur ne lui avait plus fourni de travail et ne l’avait pas licencié. (Cass. soc. 4 décembre 2019 n°18-15.947)