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PSE : si l’employeur peut pondérer les critères d’ordre de licenciement, le fait d’en soustraire un totalement est prohibé.

PSE : si l’employeur peut pondérer les critères d’ordre de licenciement, le fait d’en soustraire un totalement est prohibé.

La prise en compte de tous les critères d’ordre de licenciement légaux est une condition substantielle à l’homologation d’un PSE par la DIRECCTE.

(CE, 27 janvier 2020, n°426230, Sté GM et S.Industry France)

Des critères légaux pondérables par l’employeur.

Selon les termes du code du travail et notamment ceux de l’article L.1233-5, un employeur procédant à un licenciement collectif pour motif économique, non tenu par un accord collectif applicable, doit définir scrupuleusement les critères retenus afin de fixer l’ordre des départs des salariés concernés par ce licenciement, et ce après avoir consulté le CSE.

L’on parle ici de critères bien connus, à savoir :

  • Les charges de famille (notamment les parents isolés) ;
  • L’ancienneté de service du salarié (dans l’établissement ou l’entreprise) ;
  • La situation des salariés présentant des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle complexe (situation de handicap ou personnes âgées) ;
  • Les qualités professionnelles (par catégorie professionnelle).

Lorsque l’on dit qu’il est possible pour l’employeur de procéder à une « pondération » de ces critères, cela signifie qu’il peut choisir d’en privilégier certains par rapport à d’autres, à la condition de toujours tenir compte de l’ensemble de ce derniers. Ainsi, il ne peut donc pas en favoriser certains et en supprimer d’autres.

Une délicate barémisation excluant un critère d’ordre de départ.

Dans le cas d’espèce, l’employeur, dans l’élaboration de son document unilatéral, avait bien fixé un barème pondérant des critères d’ordre de départ, avec une subtilité que le Conseil d’Etat n’a pas laissé passer :

  • Le critère de l’ancienneté était pondéré sur 2 points pour une ancienneté de moins de 5 ans, et sur 5 points si supérieure à 21 ans dans l’entreprise ;
  • Les situations rendant la réinsertion professionnelle difficile, l’âge et les charges familiales faisaient également l’objet de trois barèmes distincts ;
  • Le critère des qualités professionnelles quant à lui (souvent objet de discordes) faisait l’objet d’une pondération basée sur l’ancienneté du salarié : l’expérience dans l’entreprise étant corrélée aux qualités professionnelles selon le document unilatéral.

Les requérants estimaient ici que le critère afférent à l’ancienneté avait été appliqué à 2 reprises, l’une se confondant avec le critère des qualités professionnelles.

Le critère subjectif afférent aux qualités professionnelles ne peut pas se déduire de la seule ancienneté.

C’est bien là que le bât blesse : le critère ô combien subjectif que constitue celui des qualités professionnelles ne peut pas uniquement être corrélé à l’ancienneté d’un salarié. Il serait bien simple aujourd’hui de faire rimer longue ancienneté avec l’aspect qualitatif d’une prestation professionnelle.

Le document unilatéral ne pouvait donc pas être valablement homologué par l’autorité administrative sauf à relever une situation d’une telle particularité qu’elle aurait empêché la mise en œuvre dudit critère, ce qui n’était, en l’espèce, pas le cas.

Kate SOLIMAN

L’ennui au travail peut engager la responsabilité de l’employeur.

L’ennui au travail peut engager la responsabilité de l’employeur.

La résiliation judiciaire du contrat pour défaut de fourniture de travail est possible!

 

Fléau récurrent dans notre « monde du travail » contemporain: avoir une fiche de poste exhaustive, et pourtant s’ennuyer au travail (connu aussi sous l’appellation anglophone « Bore-out »). La Cour de cassation est venue apporter un éclairage supplémentaire le 4 décembre dernier, sur la possibilité du salarié de demander la résiliation judiciaire de son contrat, pour manquement de l’employeur à son obligation de lui fournir du travail.

Que faire face à un employeur qui, malgré une embauche pour un poste et un travail précis, ne vous fourni aucunes tâches? Vous laissant ainsi des heures durant, vous ennuyer et « vaquer » quasi librement, malgré vous, à vos occupations personnelles durant vos heures de travail?

Rappelons d’ores et déjà, le principe originel attaché au contrat de travail. Ce dernier, une fois signé des deux parties, fixe pour l’employeur et le salarié des obligations respectives (article 1103 du Code civil), auxquelles ces derniers doivent se tenir. Il s’agit de la force obligatoire du contrat (article 1194 du Code civil).

Ajoutons à cela la règle édictée par la jurisprudence selon laquelle tout employeur a l’obligation de fournir le travail convenu au contrat de travail, à son salarié (Cass. soc., 3 mai 2012, n° 10-21.396).

Quels risques?

 

Vaquer à ses occupations personnelles aux temps et lieu de travail n’est pas sans risque. Gardons à l’esprit que les horaires de travail préalablement déterminés au contrat doivent également être respectés par le salarié et ce, quand bien même l’employeur, tenu par ses engagements, ne lui aurait pas fourni de travail.

En effet, un salarié se vouant à des activités personnelles durant son temps de travail se doit d’être vigilant. Il a droit de s’adonner à des activités et communications personnelles sur son temps de travail si cela est effectué de manière modérée et raisonnable. En cas d’abus (téléphoner, surfer sur internet, envoyer des mails personnels), l’employeur peut sanctionner le salarié, y compris par un licenciement pour faute grave. (Cour de cassation, chambre sociale, 26 février 2013, pourvoi n° 11-27372). Cela pourrait ainsi s’apparenter à une double sanction pour le salarié.

Quels moyens de recours?

 

L’inexécution de cette obligation de fourniture de travail par l’employeur permet au salarié d’engager sa responsabilité contractuelle. Il pourra aussi demander des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi. 

Deux modes de rupture aux torts exclusifs de l’employeur s’offrent également à lui: la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail et la résiliation judiciaire dudit contrat. Le Conseil des prud’hommes sera ainsi chargé d’établir la réalité des griefs opposés à l’employeur: sont-ils réels? Font-ils état d’une légèreté blâmable de sa part?

S’agissant de la résiliation judiciaire, les magistrats à la Cour de cassation sont venus préciser, qu’une Cour d’appel ne saurait débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. En l’espèce, elle constatait que l’employeur ne lui avait plus fourni de travail et ne l’avait pas licencié. (Cass. soc. 4 décembre 2019 n°18-15.947)